top of page

L’exceptionnelle fidélité de restitution des détails vestimentaires est sans doute la
première qualité des œuvres de Pascaline Bossu qu’estimera le spectateur. Il sera attiré
dans un premier temps par l’amour et la connaissance de l’artiste pour les costumes
traditionnels, et plus particulièrement pour les ensembles qui on été source
d’inspiration pour la peintre : les 9 costumes traditionnels du Musée Benaki dont
Pascaline Bossu a choisi de vêtir les 9 membres de sa famille.

Mais dans un deuxième temps, le spectateur va pouvoir découvrir au delà de la
restitution fidèle, une nouvelle interprétation dû à une « mise en scène » commune
pour les personnages à l’intérieur du cadre. Si le travail de la peintre avait été une
fidèle reproduction des vêtements, elle aurait dû les reproduire en entier.
Cependant les œuvres de Pascaline Bossu sont des portraits de personnages en buste
devant des fonds polychromes inspirés des tissus dont chaque personnage est vêtu.
De cette manière – et pas seulement- la peintre nous montre que les vêtements
traditionnels du Musée Benaki ne sont qu’un point de départ dans ce voyage
dans les racines et les origines.

Le spectateur comprend donc très vite qu’il n’a pas seulement à faire à une
reproduction des costumes traditionnels, même si Pascaline Bossu a peint
fidèlement les détails vestimentaires.

Il se peut que, dans une première lecture, les œuvres de Pascaline Bossu nous
rappellent les plus anciens dessins et peintures de costumes traditionnels grecs,
en commençant par les adaptations calligraphiques des habits du Musée Benaki
que le russe blanc N. V. Sperling a dessiné sur les encouragements du fondateur
du Musée, Antonis Benakis. Adaptations qui ont été faites «en vue d’atteindre la
réalisation parfaite de ce but (de la diffusion de la connaissance sur les costumes
grecs) » ainsi que de «la préférence pour des micrographies en couleur des
représentations des habits, afin de retranscrire non seulement la splendeur
et la «douce harmonie» des couleurs mais aussi la texture des matériaux qui
composent et décorent les vêtements» 1; mais encore les adaptations les plus
impressionnantes de l’écrivaine, peintre et folkloriste Athéna Tarsouli qui elle aussi
livre une série de dessins de vêtements grecs 2 qu’elle-même caractérise comme
étant des «impressions artistiques» en expliquant par la suite : «Je les ai représentés
comme je les ai vus, avec leurs couleurs et leurs lignes dans leur forme générale.
Dans quelques cas, qui sont minimes, j’ai sans doute été influencée par l’apparence
des femmes (…). Ce travail ne se termine néanmoins pas pour cela parce que je
pense qu’il a un intérêt folklorique». Intérêt folklorique qui d’ailleurs se retrouve
dans les représentations des costumes du Dodécanèse que fait Tarsouli dans les
trois volumes de son étude sur le Dodécanèse3 dans laquelle la riche illustration
est composée exclusivement de ses dessins et sert essentiellement à documenter
les données de l’étude.

A également un caractère documentaire la représentation picturale des costumes
de Gissis Papagerogiou dans son étude sur plusieurs tomes «Costumes traditionnels
grecs»4 qui est publiée avec la collaboration du Centre de Recherche du Folklore Grec
de l’Académie d’Athènes. Avec cette série Gissis Papageorgiou copie des costumes
spécifiques de collections de Musées ou de collections privées ou d’archives
photographiques dans le but d’illustrer de longs textes sur les costumes des
différentes régions grecques qui sont classées par tomes. Ici, comme dans les cas
précédents, la peinture est au service de la science, du folklore, de la documentation.
L’emphase est donnée à la restitution du détail, au costume, pas à la personne
qui le porte. La personne peut, comme dans le cas de Tarsouli, avoir été influencée
par le modèle (comme elle l’avoue elle-même), ou bien encore être reconnaissable
comme dans le cas d’Antonis Benakis qui pose habillé en Crétois pour N. V. Sperling.
Mais ceci est presque symptomatique. Son expression ne donne pas beaucoup de vie,
le centre de gravité de l’œuvre ne se déplace pas du costume vers le personnage.

Bien qu’inévitablement les œuvres de Pascaline Bossu nous rappellent ces anciennes
illustrations du costume grec, nous découvrons qu’ elles s’en éloignent. Nous avons
déjà dit en introduction que pour Pascaline Bossu les costumes et l’extrême vivant
des couleurs et le détail avec lequel elle les peint, n’est que le point de départ de
ses œuvres. Son choix de ne pas les montrer en entier est un moyen unique de nous
dire que la représentation du costume n’est pas un but en soi. Sa peinture nous le
montre aussi autrement. Elle nous le montre au travers des visages des personnages
qui semblent s’animer de façon autonome par rapport au cadre standard du «musée» .
Pour quelqu’un qui provient, comme moi, du milieu de l’étude des costumes grecs et
qui est plus habitué aux illustrations décrites plus haut, les personnages de Pascaline
étonnent. Ils revendiquent vigoureusement l’attention du spectateur dans ce cadre
polychrome et «traditionnel» et ils imposent leur histoire qui incite la peintre à la
raconter aussi de vive voix. Pascaline Bossu habille les membres de sa famille avec
les costumes de la nouvelle patrie qu’elle a choisie et par la suite elle investit les
costumes avec les histoires des personnages. Dans son œuvre les racines et les
origines s’entremêlent de façon douce, de telle sorte que sa grand-mère
Yvonne Jadoul en portant le costume d’Andros telle une «grande dame», semble
être transportée pas en Belgique qui est son pays d’origine mais bien à Lyon
d’où provient le matériau de son précieux costume de soie.

Xenia Politou
Conservatrice de la Collection de la Culture Néo-hellénique
Musée Benaki
1. Angélique Chatzimichali, Costumes Nationaux grecs tome 2 ., Musée Benaki, Athènes 1948-1954.
2. Athéna Tarsouli, Costumes grecs, Athènes 1941.
3. Athéna Tarsouli, Dodécanèse tome 3, éditions Alfa, Athènes 1947-1950.
4. Gissis Papageorgiou, Costumes traditionnels grecs, 7 tomes., éditions Union Greco-américaine & Millet,
en collaboration avec le Centre de Recherche du Folklore Grec de l’Académie d’Athènes, Athènes 2010-2015.

bottom of page